[...] Monsieur Linh lui parle pour la rassurer. Le médecin a des gestes calmes qui n'effraient pas l'enfant. Il asculte ses yeux, ses oreilles, écoute son corps, pose ses mains sur son ventre. Il se retourne, sourit au vieil homme et parle à la jeune fille :
"Le médecin dit qu'elle est en parfaite santé, Oncle, vous n'avez paz de souci à vous faire. Il a dit aussi que c'était un beau bébé !"
Mousieur Linh sourit. Il est heureux et fier. Il rhabille l'enfant. La robe sous ses doigts est douce comme une peau.
Lorsque les deux femmes le raccompagnent au dortoir, il est bien tard. La nuit est tombée depuis longtemps. Plus question de sortir. D'ailleurs, Monsieur Bark doit avoir quitté le banc. Il doit se poser des questions. Il doit être inquiet. Avant de le quitter, la jeune fille luit dit ceci :
"Demain, on va venir vous chercher, Oncle. C'est votre dernière nuit ici. On vous conduira dans un endroit où vous serez mille fois mieux bien plus tranquille et plus à votre aise."
Monsieur Linh est affolé.
"Je suis bien ici, je ne veux pas partir..." [...]
La petite fille de Monsieur Linh, page 112
Philippe Claudel